MATTHIAS BERG Un roman court de 119 pages qui dépeint le destin de l’homme dont le nom a donné le titre à l’œuvre et à qui sa petite-fille rend visite après tous les événements tragiques qui ont bouleversé la famille Berg. Malmenée par sa mère Eva qui loue la prouesse de sa mère (« Elle avait été si courageuse, ma Beate, pendant la guerre, dans la cave elle réconfortait tout le monde, et j’ai appris plus tard qu’elle appartenait à un réseau clandestin qui aidait des gens à s’enfuir quand ils étaient menacés, traqués, des Juifs, des communistes, d’autres gens » p.17) mais par contre a mal interprété son père jusqu’à sa mort, Marie est enfin partie à Berlin — on est en 1994— pour clarifier les malentendus et les fausses interprétations des actions de ses grands-parents. Elle a donc décidé de parler à ce vieillard, car, « Pour guérir du passé, elle sait qu’elle doit s’approcher de ce vieil homme assis là-bas. » (p. 33) Matthias, incapable de partager ses aventures meurtrières de la guerre en Russie avec sa femme est le personnage le plus tragique. Un jour, en 1948, après avoir été porté disparu pour presqu’une décennie, il rentre contre toute vraisemblance : « Beate m’avait dit que mon père était mort en Russie pendant la guerre et ça ne me faisait pas de chagrin, je ne le connaissais pas. » (p.35). « Cet homme n’était plus rien pour elle, après toutes ces années. …Ils n’avaient presque pas eu le temps de se connaître avant qu’il parte en guerre, ils avaient juste fait un enfant ensemble, et sans le vouloir sûrement. » (p. 37) Après avoir soigné le revenant, son mari, elle s’éloigne d’elle-même et est prise d’une folie de persécution et…. « A table, il y avait toujours cette place vide, en face de moi, à sa droite. Dans une autre maison elle aurait peut-être pu guérir. » (p.13) Lui se terre dans le travail et essaie d’oublier. Après un certain temps sa fille Eva finit par fuir en Suisse où elle se marie et donne naissance à Marie. Une fois qu’elle a retrouvé son grand-père, Marie n’ose pas l’aborder. Mais pour finir c’est lui qui l’invite à passer chez lui le lendemain. C’est la femme de ménage qui doit lui raconter alors la vie de Matthias Berg. Histoire déchirante qui nous assure que pas mal d’Allemands étaient conscients de ce qui se passait et se sont révoltés. Roman historique qui nous montre comment les conséquences de cette guerre ont touché des générations d’Allemands. Stupéfiant surtout l’architecture du texte. Le narrateur change constamment. Pendant longtemps c’est Eva qui par ses récits négatifs influence beaucoup l’image du grand-père dans les yeux de sa petite-fille. « C’est la seule fois qu’il m’a prise dans ses bras, la seule fois de toute ma vie, mais c’était déjà trop tard. » (p.15) Puis on apprend le point de vue de Bertrand, le prof d’histoire qui a réussi à sauver Eva et l’a mariée. Il s’occupe de Marie après la mort de sa mère. Les commentaires de Marie unissent les comptes-rendus des différents personnages. Par l’intermédiaire de la femme de ménage on apprend la vérité dramatique de la vie de Matthias. Et dans les 3 lettres d’amour qu’il donne à Marie elle découvre l’origine de la catastrophe. Une des enseignements de ce récit se trouve à la page 64 : « C’est long à reconstruire, la confiance. ». Une autre qu’il est dur d’accepter le bonheur d’y avoir survécu sans être poursuivi d’un sentiment de culpabilité, de trahison envers ceux qui y sont tombés. Matthias dit : « Ma grande faute, tu vois, c’est d’avoir voulu sauver ma peau. C’était mon idée fixe. Rentrer, retrouver Beate et notre petite fille…(p.96). Pour finir Yvette Zgraggen constate : « La mémoire ne se transmet pas, ni l’expérience, c’est pourquoi tout recommence toujours. » (p. 87) Et elle laisse quand-même un peu d’optimisme : « Peut-être que le monde ne changera que le jour où chacun s’efforcera de faire un travail très modeste sur soi-même. (p.118)